Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/303

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Il est vrai que, dans notre pays, un certain degré de richesse confère seul la fonction électorale. Quoi qu’il en soit de ce privilége, que je n’ai pas à examiner ici, il devrait au moins rendre la bourgeoisie attentive, ne fût-ce que par prudence, à ne faire que des lois justes et toujours empreintes de la plus entière impartialité. Or, j’ai eu occasion, aujourd’hui même, de prouver qu’elle n’a pas agi ainsi, quand elle a essayé de changer, par la loi positive, l’ordre et le cours naturel des rémunérations. Mais est-ce intention perverse ? Non ; je crois fermement que c’est simplement erreur. Et je n’en veux qu’une preuve, qui est décisive, c’est que le système qu’elle a établi l’opprime elle-même comme il opprime le peuple, et de la même manière, sinon au même degré. Pour qu’on pût voir le germe d’une aristocratie naissante dans cet acte et les actes analogues, il faudrait commencer par prouver que ceux mêmes qui les votent n’en sont pas victimes. S’ils le sont, leurs intentions sont justifiées ; et le lien de la solidarité humaine n’est pas infirmé.

Une circonstance récente a un moment ébranlé, je l’avoue, ma confiance dans la pureté des intentions. En présence de la cherté des subsistances, deux de mes honorables amis avaient proposé un abaissement des droits sur l’entrée du bétail. La Chambre a repoussé cette mesure. Ce n’est pas de l’avoir repoussée que je la blâme ; en cela elle n’aurait fait que persister dans un système qui, selon moi, n’est imputable qu’à l’erreur. Mais elle a fait plus que de repousser la mesure ; elle a refusé de l’examiner, elle a fui la lumière, elle a mis une sorte de passion à étouffer le débat ; et, par là, il me semble qu’elle a proclamé, à la face du monde, qu’elle avait bien réellement la conscience de son tort.

Mais, à moins que de pareilles expériences ne se renouvellent, je persiste à croire et à dire que la Chambre, ou si