Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/304

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l’on veut la bourgeoisie, ne trompe pas le peuple ; elle se trompe elle-même. La Chambre ne sait pas l’économie politique, voilà tout. Et le peuple, la sait-il ? Allez au nord et au midi, au levant et au couchant, interrogez l’immense majorité des hommes, qu’ils payent ou ne payent pas le cens, que trouvez-vous partout ? Des protectionnistes sincères. Et pourquoi ? parce que le système restrictif est tellement spécieux, que la plupart des hommes s’y laissent prendre. Car comment se posent-ils le problème ? le voici : « Admettrons-nous ou n’admettrons-nous pas la concurrence ? » et fort naïvement ils répondent : « Non. » — Ne les blâmons pas trop ; car la concurrence, vous devez le savoir, a une physionomie qui, au premier aspect, ne prévient pas trop en sa faveur. Il faut beaucoup étudier et réfléchir pour reconnaître que, malgré sa rébarbative figure, elle est l’antithèse du privilége, la loi du nivellement rationnel, et la force qui pousse notre race vers les régions de l’égalité. Pourrait-on voir des symptômes aristocratiques dans une loi sur l’hygiène, qui aurait été rendue il y a trois siècles, contrairement à la théorie de la circulation du sang ? et cette loi, en blessant le peuple, ne blesserait-elle pas aussi ceux qui l’auraient faite ?

Qui donc a le droit de reprocher à la législature d’avoir élevé le prix de la vie ? Est-ce les ouvriers ? ne font-ils pas en cela cause commune avec elle ? ne partagent-ils pas les mêmes erreurs, les mêmes craintes, les mêmes illusions ? ne voteraient-ils pas les mêmes restrictions, s’ils y étaient appelés ? Qu’ils commencent donc par étudier la question, par découvrir la fraude, par la dénoncer, par mettre la législature en demeure, par réclamer justice ; et si justice leur est refusée, ils auront acquis le droit de pousser un peu plus loin leurs investigations. Alors, le moment sera venu où ils pourront raisonnablement se poser cette terrible question que m’adressait ces jours-ci un homme illustre,