Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/331

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dispendieuse de me vêtir, parce que cette interposition qui me nuit lui profite, il porte atteinte à ma propriété, à ma liberté. Non-seulement il m’empêche de recevoir le drap belge, mais du même coup il m’empêche implicitement de fabriquer le meuble, ou il diminue l’avantage que j’ai à le faire. Je ne suis plus un homme libre, mais un homme exploité ; nous sommes dans le principe de l’esclavage, esclavage fort adouci dans ses formes, fort adroit, fort subtil, dont peut-être ni celui qui en souffre ni celui qui en profite n’ont la conscience, mais qui n’en est pas moins de l’esclavage. (Sensation marquée.)

Et, Messieurs, voulez-vous que la chose vous paraisse sensible ? Imaginez-vous que cette interposition s’opère en dehors de la loi. Figurez-vous que les fabricants de drap et de coton se présentent devant la législature, et qu’ils tiennent aux députés ce langage : « Il nous est venu dans l’idée qu’il y a trop de draps et de calicots dans le pays ; que si l’on chassait les produits étrangers, nos articles seraient très-recherchés et hausseraient de prix, ce qui serait un grand avantage pour nous. Nous venons vous demander de placer des hommes sur la frontière aux frais du Trésor, pour repousser les draps et les calicots. » Supposons que les députés répondent : « Nous comprenons que cette mesure serait très-lucrative pour vous ; mais, en bonne conscience, nous ne pouvons faire supporter au public les frais de l’opération. Si le drap belge vous importune, chassez-le vous-mêmes, c’est bien le moins. » (Rires.)

Si, en conséquence de cette résolution, messieurs les fabricants faisaient garder la frontière par leurs domestiques, s’ils vous interdisaient ainsi et les moyens de vous pourvoir au dehors et les moyens d’y envoyer le fruit de votre travail, ne seriez-vous pas révoltés ?

Eh quoi ! vous croyez-vous dans une position plus brillante et surtout plus digne, parce que messieurs les prohi-