Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/382

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— Oh ! vous ne me tenez pas encore. À dimanche[1].

— À dimanche, soit. Dieu, que les auditeurs sont légers !

— Ciel ! que les démonstrateurs sont lourds !


55. — LA LOGIQUE DE M. CUNIN-GRIDAINE.


2 Mai 1847.


M. Cunin-Gridaine, parlant des deux associations qui se sont formées, l’une pour demander à rançonner le public, l’autre pour demander que le public ne fût pas rançonné, s’exprime ainsi :

« Rien ne prouve mieux l’exagération que l’exagération qui lui est opposée. C’est le meilleur moyen de montrer aux esprits calmes et désintéressés où est la vérité, qui ne se sépare jamais de la modération. »

Il est certain, selon Aristote, que la vérité se rencontre entre deux exagérations opposées. Le tout est de s’assurer si deux assertions contraires sont également exagérées ; sans quoi, le jugement à intervenir, impartial en apparence, serait inique en réalité.

Pierre et Jean plaidaient devant le juge d’une bourgade. Pierre, demandeur, concluait à bâtonner Jean tous les jours.

Jean, défendeur, concluait à n’être pas bâtonné du tout.

Le juge prononça cette sentence :

« Attendu que rien ne prouve mieux l’exagération que l’exagération qui lui est opposée, coupons le différend par le milieu, et disons que Pierre bâtonnera Jean, mais seulement les jours impairs. »

Jean fit appel, comme on le peut croire ; mais ayant

  1. Le dimanche est le jour de la semaine où paraissait le Libre-Échange. (Note de l’éditeur.)