Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/437

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— C’est qu’il y en a trop sur le marché, dit Jean.

— Tu comprends donc bien l’avantage d’en exclure celles du voisinage. Quant à toi, Guillaume, je sais que tu as encore deux vieux bœufs sur les bras. Pourquoi cela ?

— Parce que François, avec qui j’étais en marché, dit Guillaume, est allé acheter des bœufs à la foire voisine.

— Tu vois bien que s’il n’eût pu leur faire passer le pont, tu aurais bien vendu tes bœufs, et Énios aurait conservé 5 ou 600 francs de numéraire.

Mes amis, ce qui nous ruine, ce qui nous empêche au moins de nous enrichir, c’est l’invasion des produits étrangers.

N’est-il pas juste que le marché communal soit réservé au travail communal ?

Soit qu’il s’agisse de prés, de champs ou de vignes, n’y a-t-il pas quelque part une commune plus fertile que la nôtre pour une de ces choses ? Et elle viendrait jusque chez nous nous enlever notre propre travail ! Ce ne serait pas de la concurrence, mais du monopole ; mettons-nous en mesure, en nous rançonnant les uns les autres, de lutter à armes égales.

Pierre, le sabotier. En ce moment, j’ai besoin d’huile, et on n’en fait pas dans notre village.

— De l’huile ! vos ardoises en sont pleines. Il ne s’agit que de l’en retirer. C’est là une nouvelle source de travail, et le travail c’est la richesse. Pierre, ne vois-tu pas que cette maudite huile étrangère nous faisait perdre toute la richesse que la nature a mise dans nos ardoises ?

Le maître d’école. Pendant que Pierre pilera des ardoises, il ne fera pas de sabots. Si, dans le même espace de temps, avec le même travail, il peut avoir plus d’huile en pilant des ardoises qu’en faisant des sabots, votre tarif est inutile. Il est nuisible si, au contraire, Pierre obtient plus d’huile en faisant des sabots qu’en pilant des ardoises. Aujourd’hui, il