Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/46

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Il peut, par des taxes plus ou moins déguisées, rendre une industrie lucrative aux dépens de la communauté, attirer vers elle l’activité des citoyens, par un déplorable déplacement du capital, et, les forçant à l’imitation, réduire l’anglomanie en système.

L’État donc, voulant implanter en France, selon l’expression consacrée, certaines industries manufacturières, a été conduit à prendre les mesures suivantes :

o Prohiber ou charger de forts droits les produits fabriqués au dehors ;

2o Donner de fortes subventions ou primes aux produits fabriqués au dedans ;

3o Avoir des colonies et les forcer à consommer nos produits, quelque coûteux qu’ils soient, sauf à forcer le pays à consommer, bon gré mal gré, les produits coloniaux.

Ces moyens sont différents, mais ils ont ceci de commun qu’ils soutiennent des industries qui donnent de la perte, perte qu’une cotisation nationale transforme en bénéfice. — Ce qui perpétue ce régime, ce qui le rend populaire, c’est que le bénéfice crève les yeux, tandis que la cotisation qui le constitue passe inaperçue[1].

Les publicistes, qui savent que l’intérêt du consommateur est l’intérêt général, proscrivent de tels expédients. Mais ce n’est pas sous ce point de vue que je les considère dans cet article ; je me borne à rechercher leur influence sur la direction du capital et du travail.

L’erreur des personnes (et elles sont nombreuses) qui soutiennent de bonne foi le régime protecteur, c’est de raisonner toujours comme si cette portion d’industrie que ce système fait surgir était alimentée par des capitaux tombés

  1. V. le chap. vii de Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, tome V, page 363. (Note de l’éditeur.)