Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/47

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du ciel. Sans cette supposition toute gratuite, il leur serait impossible d’attribuer à des mesures restrictives aucune influence sur l’accroissement du travail national.

Quelque onéreuse que soit sous un régime libre la production d’un objet, dès qu’on le prohibe, elle peut devenir une bonne affaire. Les capitaux sont sollicités vers ce genre d’entreprise par la hausse artificielle du prix. Mais n’est-il pas évident qu’au moment où le décret est rendu il y avait dans le pays un capital déterminé ? Une partie de ce capital était employée à produire la chose qui s’échangeait contre l’objet exotique. Qu’arrive-t-il ? Ce produit national est moins demandé, son prix baisse, et le capital tend à déserter cet emploi. Au contraire, le produit similaire à l’objet exotique renchérit, et le capital se trouve poussé vers cette nouvelle voie. Il y a évolution, mais non création de capital ; évolution, et non création de travail. L’un entraîne l’autre du champ à l’atelier, du labour à l’usine, de France en Algérie. Entre les partisans de la liberté et ceux de la protection, la question se réduit donc à ceci : la direction artificielle, imprimée au capital et au travail, vaut-elle mieux que leur direction naturelle ?

Un agriculteur de mes amis, sur la foi d’un prospectus qui promettait monts et merveilles, prit cinq actions dans une filature de lin à la mécanique. Certes, on ne prétendra pas que ces 5 000 francs, il les avait tirés du néant. Il les devait à ses sueurs et à ses épargnes. Il aurait pu certainement les employer sur sa ferme, et, de quelque manière qu’il l’eût fait, ils auraient, en définitive, payé de la main-d’œuvre ; car je défie qu’on me prouve qu’une dépense quelconque soit autre chose que le salaire d’un travail actuel ou antérieur.

Ce qui est arrivé à mon ami est arrivé à tous ceux qui se sont lancés dans les industries privilégiées ; et il me semble impossible qu’on se refuse à reconnaître qu’il ne