Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/466

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

S’il y a deux manières de produire une chose, que l’une de ces manières soit dispendieuse et l’autre économique, frappez d’une taxe la manière économique au profit de la manière dispendieuse. Par exemple, si avec soixante journées de travail consacré à produire de la laine, les Espagnols peuvent faire venir de France dix varas de drap, et qu’il leur faille cent journées de travail pour obtenir ces dix varas de drap en les fabriquant eux-mêmes, favorisez le second mode aux dépens du premier. Vous ne pouvez vous figurer tous les avantages qu’il en résultera.

D’abord, tous les hommes qui emploient la manière dispendieuse vous seront reconnaissants et dévoués. Vous aurez en eux un fort appui.

Ensuite, le mode économique disparaissant peu à peu du pays et le mode dispendieux s’étendant sans cesse, vous verrez grossir le nombre de vos partisans et s’affaiblir celui de vos adversaires.

Enfin, comme un mode plus dispendieux implique plus de travail, vous aurez pour vous tous les ouvriers et tous les philanthropes. Il vous sera aisé, en effet, de montrer combien le travail serait affecté, si on laissait se relever le mode économique.

Tenez-vous-en à cette première apparence et ne souffrez pas qu’on aille au fond des choses, car qu’arriverait-il ?

Il arriverait que certains esprits, trop enclins à l’investigation, découvriraient bientôt la supercherie. Ils s’apercevraient que si la production des dix varas de drap occupe cent journées, il y a soixante journées de moins consacrées à la production de la laine, contre laquelle on recevait autrefois dix varas de drap français.

Ne disputez pas sur cette première compensation ; c’est trop clair, vous seriez battu ; mais montrez toujours les autres quarante journées mises en activité par le mode dispendieux.