Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/467

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Alors on vous répondra : « Si nous nous en étions tenus au mode économique, le capital qui a été détourné vers la production directe du drap aurait été disponible dans le pays ; il y aurait produit des choses utiles et aurait fait travailler ces quarante ouvriers que vous prétendez avoir tirés de l’oisiveté. Et quant aux produits de leur travail, ils auraient été achetés précisément par les consommateurs de drap, puisque obtenant à meilleur marché le drap français, une somme de rémunération suffisante pour payer quarante ouvriers serait restée disponible aussi entre leurs mains. »

Ne vous engagez pas dans ces subtilités. Traitez de rêveurs, idéologues, utopistes et économistes ceux qui raisonnent de la sorte.

Ne perdez jamais ceci de vue. Dans ce moment, le public ne pousse pas l’investigation aussi loin. Le plus sûr moyen de lui faire ouvrir les yeux, ce serait de discuter. Vous avez pour vous l’apparence, tenez-vous-y et riez du reste.

Il se peut qu’un beau jour les ouvriers, ouvrant les yeux, disent :

« Puisque vous forcez la cherté des produits par l’opération de la loi, vous devriez bien aussi, pour être justes, forcer la cherté des salaires par l’opération de la loi. »

Laissez tomber l’argument aussi longtemps que possible. Quand vous ne pourrez plus vous taire, répondez : La cherté des produits nous encourage à en faire davantage ; pour cela, il nous faut plus d’ouvriers. Cet accroissement de demande de main-d’œuvre hausse vos salaires, et c’est ainsi que nos priviléges s’étendent à vous par ricochet.

L’ouvrier vous répondra peut-être : « Cela serait vrai si l’excédant de production excité par la cherté se faisait au moyen de capitaux tombés de la lune. Mais si vous ne pouvez que les soutirer à d’autres industries, n’y ayant pas augmentation de capital, il ne peut y avoir augmentation de salaires.