Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/480

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

j’entendais le ministre du commerce dire : « Grâce à l’intervention active du gouvernement, grâce à la sagesse du roi, grâce au patronage des sciences, toutes les classes industrielles sont florissantes. » Faut-il s’étonner que le peuple ait fini par croire que le bien-être lui venait d’en haut comme une manne céleste, et qu’il tourne maintenant ses regards vers les régions du pouvoir ? Quand on s’attribue le mérite de tout le bien qui arrive, on encourt la responsabilité de tout le mal qui survient.

Ceci me rappelle un curé de notre pays. Pendant les premières années de sa résidence, il ne tomba pas de grêle dans la commune ; et il était parvenu à persuader aux bons villageois que ses prières avaient l’infaillible vertu de chasser les orages. Cela fut bien tant qu’il ne grêla pas ; mais, à la première apparition du fléau, il fut chassé de la paroisse. On lui disait : C’est donc par mauvaise volonté que vous avez permis à la tempête de nous frapper ?

La République s’est inaugurée par une semblable déception. Elle a jeté cette parole au peuple, si bien préparé d’ailleurs à la recevoir : « Je garantis le bien-être à tous les citoyens. » Et puisse cette parole ne pas attirer des tempêtes sur notre patrie !

Le peuple de Paris s’est acquis une gloire éternelle par son courage.

Il a excité l’admiration du monde entier par son amour pour l’ordre public, son respect pour tous les droits et toutes les propriétés.

Il lui reste à accomplir une tâche bien autrement difficile, il lui reste à repousser de ses lèvres la coupe empoisonnée qu’on lui présente. Je le dis avec conviction, tout l’avenir de la République repose aujourd’hui sur son bon sens. Il n’est plus question de la droiture de ses intentions, personne ne peut les méconnaître ; il s’agit de la droiture de ses instincts. La glorieuse révolution qu’il a accomplie par son