Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/487

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près de deux milliards par an, nous pouvons même dire deux milliards avec les frais de perception.

Nous payons déjà un milliard et demi. J’admets qu’avec un système d’administration plus économique on réduise ce chiffre d’un tiers : il faudrait toujours prélever trois milliards. Or, je le demande, peut-on songer à prélever trois milliards sur les seize millions d’habitants les plus riches du pays ?

Un tel impôt serait de la confiscation, et voyez les conséquences. Si, en fait, toute propriété était confisquée à mesure qu’elle se forme, qui est-ce qui se donnerait la peine de créer de la propriété ? On ne travaille pas seulement pour vivre au jour le jour. Parmi les stimulants du travail, le plus puissant peut-être, c’est l’espoir d’acquérir quelque chose pour ses vieux jours, d’établir ses enfants, d’améliorer le sort de sa famille. Mais si vous arrangez votre système financier de telle sorte que toute propriété soit confisquée à mesure de sa formation, alors, nul n’étant intéressé ni au travail ni à l’épargne, le capital ne se formera pas ; il décroîtra avec rapidité, si même il ne déserte pas subitement à l’étranger ; et, alors, que deviendra le sort de cette classe même que vous aurez voulu soulager ?

J’ajouterai ici une vérité qu’il faut bien que le peuple apprenne.

Quand dans un pays l’impôt est très-modéré, il est possible de le répartir selon les règles de la justice et de le prélever à peu de frais. Supposez, par exemple, que le budget de la France ne s’élevât pas au delà de cinq à six cents millions. Je crois sincèrement qu’on pourrait, dans cette hypothèse, inaugurer l’impôt unique, assis sur la propriété réalisée (mobilière et immobilière).

Mais lorsque l’État soutire à la nation le quart, le tiers, la moitié de ses revenus, il est réduit à agir de ruse, à multiplier les sources de recettes, à inventer les taxes les plus