Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/49

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de produire une chose parce que les frais de création dépassent ceux d’acquisition, il ne s’ensuit nullement, comme on le répète sans cesse, que le travail de cet homme ou de cette circonscription territoriale diminue de tout ce qu’eût exigé cette création ; il s’ensuit seulement qu’une part de ce travail est consacrée à produire les moyens d’acquisition, et une autre, restée disponible, à satisfaire d’autres besoins. Cette dernière est le profit net de l’échange[1].

Un tailleur donne tout son temps à la confection des vêtements. Il serait bien mauvais praticien, s’il en détachait trois heures pour faire des souliers, et plus mauvais théoricien, s’il s’imaginait avoir par là allongé sa journée.

Il en est de même d’un peuple. Quand le Portugal veut à toute force faire des mouchoirs et des bonnets de coton, il se trompe assurément, s’il ne s’aperçoit pas qu’il appauvrit la culture de la vigne et de l’oranger, qu’il se prive des moyens d’améliorer le lit et de défricher les rives du Tage. D’un autre côté, si l’Angleterre, par des mesures coercitives, force les capitaux à élever la vigne et l’oranger en serre chaude, elle amoindrit d’autant des ressources qui seraient mieux employées dans ses fabriques. Encore une fois, il y a là évolution, et non accroissement des moyens de production.

Ainsi, en même temps que le régime prohibitif a enlevé à l’agriculture la faculté de s’améliorer, il lui en a ôté l’occasion ; car à quoi bon produire les objets, céréales, vins, fruits, soies, lins, etc., pour acquitter des services étrangers qu’il n’est pas permis d’acheter ?

Si le régime protecteur ne nous eût pas entraînés à imiter les Anglais, il est possible que nous ne les égalerions pas dans ces industries qui ont pour agents le fer et le feu ; mais il est certain que nous aurions développé, bien plus

  1. V. le chap. Échange, tome VI. (Note de l’éditeur.)