Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/62

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grandes espérances. Une concurrence active se manifesta pour obtenir des terres à exploiter. La rente s’éleva, ce qui amena le haut prix des terres elles-mêmes ; et le premier effet de la mesure fut d’ajouter au sol une valeur artificielle, de gratifier les Landlords d’un capital factice dont le consommateur de blé devait payer l’intérêt.

Cependant les agriculteurs commencèrent leurs opérations. Elles ne se réglèrent pas sur les besoins du pays, indiqués par le taux naturel du blé, mais bien sur le taux anormal promis par la loi. Ce taux offrait la perspective d’énormes profits. Aussi on ensemença en blé les terres des qualités les plus inférieures, on défricha des landes et des marais, on les fertilisa avec des engrais achetés fort cher et venus de fort loin. Sous l’influence de cette excitation extraordinaire, une portion tout à fait inusitée du capital national déserta les autres canaux de l’industrie pour venir se fixer dans les exploitations agricoles ; et un homme d’État contemporain nous apprend qu’à cette époque le sol de l’Angleterre fut littéralement pavé de guinées.

Nous devons faire observer ici qu’à ce grand développement de l’agriculture répondit une crise commerciale et industrielle. Cela s’explique aisément : d’un côté, le capital désertait le commerce et les manufactures, et, d’un autre côté, la cherté de la subsistance forçait le gros du public à restreindre toutes ses autres consommations.

Mais quelle était la situation des agriculteurs ? Il est facile de comprendre qu’alors même que le haut prix du blé se serait maintenu, tout n’aurait pas été profit pour eux.

D’abord ils payaient de fortes rentes. Ensuite, ils empruntaient des capitaux à un taux élevé et, en outre, ils cultivaient de mauvaises terres par des procédés fort dispendieux. Il saute aux yeux que le prix de revient était beaucoup plus élevé pour eux qu’il ne l’eût été sous un régime libre, et qu’ils étaient loin de profiter de toute la charge