Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/63

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imposée au public consommateur. Quand la loi aurait maintenu le blé à 1,000 sh. au lieu de 80, il y eût eu évidemment perte sèche pour la nation, si ce prix eût déterminé les agriculteurs à semer du blé jusque dans les galeries houillères de la Cornouailles, et s’il leur fût revenu à eux-mêmes à 990 sh.

Mais le prix fut-il maintenu à 80 sh. ?

On prévoit d’avance qu’il ne put en être ainsi. La fiévreuse activité imprimée à la culture du froment, par les promesses de la loi, ne tarda pas à jeter sur les marchés anglais des approvisionnements inconsidérés ; et les prix baissèrent successivement comme suit :


1817 94 sh.
1818 83
1819 72
1820 65
1821 54
1822 45


Soit la moitié environ du prix promis par la loi. Quelle déception !

Et remarquez que ce même blé, qu’on était forcé de vendre à 43 sh., revenait fort cher, puisqu’il n’avait été amené à l’existence que par des efforts dispendieux.

Aussi la fin de cette période d’avilissement dans les prix fut marquée par une épouvantable crise agricole. Les fermiers furent ruinés ; les lords ne purent recouvrer leurs rentes. Les uns et les autres maudirent la culture du froment, naguère l’objet de tant d’espérances. On convertit les terres arables en pâturages, calculant qu’elles donneraient un meilleur revenu livrées à la dépaissance des bestiaux que soumises au travail de l’homme ; et l’on sait qu’à cette époque fut pratiquée, très en grand, l’opération appelée Clearance, qui ne consistait en rien moins qu’à raser des villages entiers, à en chasser les habitants, pour substituer sur le sol la race ovine à la race humaine.