Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/79

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tère, sauf à l’accabler si vos illusions sont trompées[1] ?

Que disait pourtant le Journal des Débats ? Il n’arguait pas d’une mauvaise récolte. Il ne pouvait le faire, puisque c’est encore le secret de l’avenir.

Il se fondait sur des faits connus, incontestables. Il disait : D’une part, la production des substances alimentaires sera diminuée de tout ce qu’on a ensemencé en moins de pommes de terre ; de l’autre, nos greniers seront vides. Or, en temps ordinaire, il y a une réserve. Donc les prix seront plus élevés qu’en temps ordinaire, même en supposant une bonne récolte.

Certes, c’était bien là le langage de la modération et de la prudence.

Pour nous, nous disons aux propriétaires : En premier lieu, vous n’avez pas à craindre que la liberté avilisse le prix des blés l’année prochaine. Il est de notoriété que le blé est cher parce qu’il manque, non-seulement en France, mais sur presque toute la surface de l’Europe, en Angleterre, en Belgique, en Italie. En ce moment même, nous apprenons qu’un des greniers de l’univers, la Prusse, est en proie à des convulsions causées par la cherté du pain. Il est de notoriété que les approvisionnements des autres pays producteurs, l’Égypte, la Crimée, les États-Unis, ne sont pas inépuisables, puisque le blé s’y tient à des prix élevés. Dans de telles circonstances, ne pas permettre au commerce de préparer ses opérations, c’est les empêcher, c’est travailler à perpétuer la famine.

En second lieu et surtout, vous n’avez pas le droit de faire ce que vous faites. Vous abusez de la puissance législative. Le dernier des manœuvres a plus le droit d’échanger,

  1. On se rappelle que le Constitutionnel, après avoir énuméré toutes les raisons qui selon lui font un devoir au ministère de ne pas laisser entrer le blé étranger, terminait ainsi son article : « Cependant, si malheur arrive, nous serons vos plus terribles accusateurs ! »