Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/95

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évidemment on ouvrirait ses portes, et tout serait dit.

Ils ont de plus l’inconvénient d’éveiller l’hostilité de tous les peuples, hors un. — Je veux bien acheter des vins, pourvu qu’ils ne soient pas français. — Voilà le traité de Méthuen. — Je veux bien acheter des toiles, pourvu quelles ne soient pas à bon marché, c’est-à-dire anglaises. — Voilà le traité belge. — Quand notre siècle sera vieux, je crains bien qu’il ne dise : À quarante-six ans, dans mon âge mûr, j’étais encore bien novice.

Mais laissons la douane, et ses fils, et ses fractions de fils, et ses moitiés et ses quarts de différence ; et passons à la lutte des doctrines, seule chose qui, dans cette discussion, ait une importance réelle.

M. Lestiboudois a ouvert la brèche avec sa théorie de l’an passé. Vous la rappelez-vous ? — « Le commerce extérieur ruine une nation qui achète avec ses capitaux des objets de consommation fugitive. »

Avec ou sans commerce, on se ruine quand on dépense plus qu’on ne gagne, ce que font les gens paresseux, désordonnés et prodigues. En quoi la douane y peut-elle quelque chose ? Si, cet été, il plaisait à Paris de se croiser les bras, de ne rien faire, si ce n’est boire, manger et s’ébattre ; si, après avoir dévoré ses provisions, il s’en procurait d’autres en vendant, dans les provinces, ses meubles, ses bijoux, ses instruments, ses outils, et jusqu’à son sol et ses palais, il se ruinerait à coup sûr. Mais remarquez ceci : ses vices étant donnés, loin qu’il pût imputer sa ruine à ses relations avec les provinces, ce sont ces relations qui retarderaient le jour de la souffrance et du dénûment. — Tant que la France sera laborieuse et prévoyante, ne craignons pas que le commerce extérieur lui enlève ses capitaux. — Que si jamais elle devient fainéante et fastueuse, le commerce extérieur la fera vivre plus longtemps sur ses capitaux acquis.