Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/24

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pose que l’on procède trois mois après à un nouvel inventaire.

N’est-il pas vrai qu’il se trouvera en France plus de blé, de bestiaux, de drap, de toile, de fer, de houille, de sucre, etc., lors du second qu’à l’époque du premier inventaire ?

Cela est si vrai que nos tarifs protecteurs n’ont pas d’autre but que d’empêcher toutes ces choses de parvenir jusqu’à nous, d’en restreindre l’offre, d’en prévenir la dépréciation, l’abondance.

Maintenant, je le demande, le peuple est-il mieux nourri, sous l’empire de nos lois, parce qu’il y a moins de pain, de viande et de sucre dans le pays ? Est-il mieux vêtu parce qu’il y a moins de fils, de toiles et de draps ? Est-il mieux chauffé parce qu’il y a moins de houille ? Est-il mieux aidé dans ses travaux parce qu’il y a moins de fer, de cuivre, d’outils, de machines ?

Mais, dit-on, si l’étranger nous inonde de ses produits, il emportera notre numéraire.

Eh qu’importe ? L’homme ne se nourrit pas de numéraire, il ne se vêt pas d’or, il ne se chauffe pas avec de l’argent. Qu’importe qu’il y ait plus ou moins de numéraire dans le pays, s’il y a plus de pain aux buffets, plus de viande aux crochets, plus de linge dans les armoires, et plus de bois dans les bûchers ?

Je poserai toujours aux lois restrictives ce dilemme :

Ou vous convenez que vous produisez la disette, ou vous n’en convenez pas.

Si vous en convenez, vous avouerez par cela même que vous faites au peuple tout le mal que vous pouvez lui faire. Si vous n’en convenez pas, alors vous niez avoir restreint l’offre, élevé les prix et, par conséquent, vous niez avoir favorisé le producteur.

Vous êtes funestes ou inefficaces. Vous ne pouvez être utiles[1].

  1. L’auteur a traité ce sujet avec plus d’étendue dans le XIe chapitre