Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Il est vrai.

— Et comme elle oblige à faire le drap et défend de faire l’autre chose, précisément parce que cette autre chose exigerait moins de travail (sans quoi elle n’aurait pas besoin de s’en mêler), elle décrète donc virtuellement que, par un travail déterminé, la France n’aura qu’un mètre de drap en le faisant, quand, pour le même travail, elle en aurait eu deux mètres en faisant l’autre chose.

— Mais, pour Dieu ! quelle autre chose ?

— Eh ! pour Dieu ! qu’importe ? ayant le choix, elle ne fera autre chose qu’autant qu’il y ait quelque autre chose à faire.

— C’est possible ; mais, je me préoccupe toujours de l’idée que l’étranger nous envoie du drap et ne nous prenne pas l’autre chose, auquel cas nous serions bien attrapés. En tout cas, voici l’objection, même à votre point de vue. Vous convenez que la France fera cette autre chose à échanger contre du drap, avec moins de travail que si elle eût fait le drap lui-même.

— Sans doute.

— Il y aura donc une certaine quantité de son travail frappée d’inertie.

— Oui, mais sans qu’elle soit moins bien vêtue, petite circonstance qui fait toute la méprise. Robinson la perdait de vue ; nos protectionistes ne la voient pas ou la dissimulent. La planche naufragée frappait aussi d’inertie, pour quinze jours, le travail de Robinson, en tant qu’appliqué à faire une planche, mais sans l’en priver. Distinguez donc entre ces deux espèces de diminution de travail, celle qui a pour effet la privation et celle qui a pour cause la satisfaction. Ces deux choses sont fort différentes et, si vous les assimilez, vous raisonnez comme Robinson. Dans les cas les plus compliqués, comme dans les cas les plus simples, le sophisme consiste en ceci : Juger de l’utilité du travail par sa durée et son in-