Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/368

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voit. Le tribut que le peuple payerait à l’État ou à ses agents, dans le système socialiste, c’est ce qu’on ne voit pas.

En quoi consiste ce prétendu tribut que le peuple paye au commerce ? En ceci : que deux hommes se rendent réciproquement service, en toute liberté, sous la pression de la concurrence et à prix débattu.

Quand l’estomac qui a faim est à Paris et que le blé qui peut le satisfaire est à Odessa, la souffrance ne peut cesser que le blé ne se rapproche de l’estomac. Il y a trois moyens pour que ce rapprochement s’opère : 1o Les hommes affamés peuvent aller eux-mêmes chercher le blé ; 2o ils peuvent s’en remettre à ceux qui font ce métier ; 3o ils peuvent se cotiser et charger des fonctionnaires publics de l’opération.

De ces trois moyens, quel est le plus avantageux ?

En tout temps, en tout pays, et d’autant plus qu’ils sont plus libres, plus éclairés, plus expérimentés, les hommes ayant volontairement choisi le second, j’avoue que cela suffit pour mettre, à mes yeux, la présomption de ce côté. Mon esprit se refuse à admettre que l’humanité en masse se trompe sur un point qui la touche de si près[1].

Examinons cependant.

Que trente-six millions de citoyens partent pour aller chercher à Odessa le blé dont ils ont besoin, cela est évidemment inexécutable. Le premier moyen ne vaut rien. Les consommateurs ne peuvent agir par eux-mêmes, force leur est d’avoir recours à des intermédiaires, fonctionnaires ou négociants.

Remarquons cependant que ce premier moyen serait le

  1. L’auteur a souvent invoqué la présomption de vérité qui s’attache au consentement universel manifesté par la pratique de tous les hommes. V. notamment au tome IV, page 79, le chap. XIII des Sophismes, puis la page 441 ; et, au tome VI, l’appendice au chap. VI, intitulé Moralité de la richesse.(Note de l’éditeur.)