Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/19

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encore. Ils s’en prennent à la société elle-même, ils menacent de la détruire pour la refaire, — et pourquoi ? Parce que, disent-ils, il est prouvé par la science que la société actuelle est poussée vers un abîme. En cela ils choquent le bon sens : car, ou la science ne se trompe pas ; et alors pourquoi l’attaquent-ils ? ou elle se trompe ; et, en ce cas, qu’ils laissent la société en repos, puisqu’elle n’est pas menacée.

Mais cette tactique, tout illogique qu’elle est, n’en est pas moins funeste à la science économique, surtout si ceux qui la cultivent avaient la malheureuse pensée, par une bienveillance très-naturelle, de se rendre solidaires les uns des autres et de leurs devanciers. La science est une reine dont les allures doivent être franches et libres. L’atmosphère de la coterie la tue.

Je l’ai déjà dit : il n’est pas possible, en économie politique, que l’antagonisme ne soit au bout de toute proposition erronée. D’un autre côté, il n’est pas possible que les nombreux écrits des économistes, même les plus éminents, ne renferment quelque proposition fausse. — C’est à nous à les signaler et à les rectifier dans l’intérêt de la science et de la société. Nous obstiner à les soutenir, pour l’honneur du corps, ce serait non-seulement nous exposer, ce qui est peu de chose, mais exposer la vérité même, ce qui est plus grave, aux coups du socialisme.

Je reprends donc et je dis : La conclusion des économistes est la liberté. Mais, pour que cette conclusion obtienne l’assentiment des intelligences et attire à elle les cœurs, il faut qu’elle soit solidement fondée sur cette prémisse : Les intérêts, abandonnés à eux-mêmes, tendent à des combinaisons harmoniques, à la prépondérance progressive du bien général.