Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or plusieurs d’entre eux, parmi ceux qui font autorité, ont émis des propositions qui, de conséquence en conséquence, conduisent logiquement au mal absolu, à l’injustice nécessaire, — à l’inégalité fatale et progressive, — au paupérisme inévitable, etc.

Ainsi il en est bien peu, à ma connaissance, qui n’aient attribué de la valeur aux agents naturels, aux dons que Dieu avait prodigués gratuitement à sa créature. Le mot valeur implique que ce qui en est pourvu, nous ne le cédons que moyennant rémunération. Voilà donc des hommes, et en particulier les propriétaires du sol, vendant contre du travail effectif les bienfaits de Dieu, et recevant une récompense pour des utilités auxquelles leur travail est resté étranger. — Injustice évidente, mais nécessaire, disent ces écrivains.

Vient ensuite la célèbre théorie de Ricardo. Elle se résume ainsi : Le prix des subsistances s’établit sur le travail que demande pour les produire le plus pauvre des sols cultivés. Or l’accroissement de la population oblige de recourir à des sols de plus en plus ingrats. Donc l’humanité tout entière (moins les propriétaires) est forcée de donner une somme de travail toujours croissante contre une égale quantité de subsistances ; ou, ce qui revient au même, de recevoir une quantité toujours décroissante de subsistances contre une somme égale de travail ; tandis que les possesseurs du sol voient grossir leurs rentes chaque fois qu’on attaque une terre de qualité inférieure. Conclusion : — Opulence progressive des hommes de loisir ; misère progressive des hommes de travail, — soit : Inégalité fatale.

Apparaît enfin la théorie plus célèbre encore de Malthus. La population tend à s’accroître plus rapidement que les