Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/261

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du troc, je le mettais en garde contre l’illusion si commune que j’essaye ici de détruire.

Laissons donc sans scrupules les capitaux se créer, se multiplier suivant leurs propres tendances et celles du cœur humain. N’allons pas nous imaginer que lorsque le rude travailleur économise pour ses vieux jours, lorsque le père de famille songe à la carrière de son fils ou à la dot de sa fille, ils n’exercent cette noble faculté de l’homme, la Prévoyance, qu’au préjudice du bien général. Il en serait ainsi, les vertus privées seraient en antagonisme avec le bien public, s’il y avait incompatibilité entre le Capital et le Travail.

Loin que l’humanité ait été soumise à cette contradiction, disons plus, à cette impossibilité (car comment concevoir le mal progressif dans l’ensemble résultant du bien progressif dans les fractions ?), il faut reconnaître qu’au contraire la Providence, dans sa justice et sa bonté, a réservé, dans le progrès, une plus belle part au Travail qu’au Capital, un stimulant plus efficace, une récompense plus libérale à celui qui verse actuellement la sueur de son front, qu’à celui qui vit sur la sueur de ses pères.

En effet, étant admis que tout accroissement de capital est suivi d’un accroissement nécessaire de bien-être général, j’ose poser comme inébranlable, quant à la distribution de ce bien-être, l’axiome suivant :

« À mesure que les capitaux s’accroissent, la part absolue des capitalistes dans les produits totaux augmente et leur part relative diminue. Au contraire, les travailleurs voient augmenter leur part dans les deux sens. »

Je ferais mieux comprendre ma pensée par des chiffres.

Représentons les produits totaux de la société, à des époques successives, par les chiffres 1,000, 2,000, 3,000, 4,000, etc.

Je dis que le prélèvement du capital descendra successivement de 50 p. 100 à 40, 35, 30 p. 100, et celui du travail