Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/399

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fait pénétrer la lumière et la vérité dans toutes les couches sociales, mais elle y porte aussi le doute douloureux et l’erreur subversive. — La liberté politique a déchaîné assez de tempêtes et de révolutions sur le globe, elle a assez profondément modifié les simples et naïves habitudes des peuples primitifs, pour que de graves esprits se soient demandé s’ils ne préféraient pas la tranquillité à l’ombre du despotisme. — Et le christianisme lui-même a jeté la grande semence de l’amour et de la charité sur une terre abreuvée du sang des martyrs.

Comment est-il entré dans les desseins de la bonté et de la justice infinies que le bonheur d’une région ou d’un siècle soit acheté par les souffrances d’un autre siècle ou d’une autre région ? Quelle est la pensée divine qui se cache sous cette grande et irrécusable loi de la solidarité, dont la Concurrence n’est qu’un des mystérieux aspects ? La science humaine l’ignore. Ce qu’elle sait, c’est que le bien s’étend toujours et le mal se restreint sans cesse. À partir de l’état social, tel que la conquête l’avait fait, où il n’y avait que des maîtres et des esclaves, et où l’inégalité des conditions était extrême, la Concurrence n’a pu travailler à rapprocher les rangs, les fortunes, les intelligences, sans infliger des maux individuels dont, à mesure que l’œuvre s’accomplit, l’intensité va toujours s’affaiblissant comme les vibrations du son, comme les oscillations du pendule. Aux douleurs qu’elle lui réserve encore, l’humanité apprend chaque jour à opposer deux puissants remèdes, la prévoyance, fruit de l’expérience et des lumières, et l’association, qui est la prévoyance organisée.