Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/494

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s’il n’y avait pas de capital au monde  ? Si la part que j’obtiens, par mon arrangement avec le capital, est plus grande que celle que j’obtiendrais sans cet arrangement, en quoi suis-je fondé à me plaindre  ? Et puis, selon quelles lois nos parts respectives vont-elles augmentant ou diminuant dans le cas des transactions libres  ? S’il est dans la nature de ces transactions de faire que, à mesure que le total à partager s’accroît, j’aie à prendre dans l’excédant une proportion toujours croissante (chapitre VII, page 249), au lieu de vouer haine au capital, n’ai-je pas à le traiter en bon frère  ? S’il est bien avéré que la présence du capital me favorise, et que son absence me ferait mourir, suis-je bien prudent et bien avisé quand je le calomnie, l’épouvante, le force à se dissiper ou à fuir  ? »

On allègue sans cesse que, dans le débat qui précède le traité, les situations ne sont pas égales, parce que le capital peut attendre et que le travail ne le peut pas. Le plus pressé, dit-on, est bien forcé de céder le premier, en sorte que le capitaliste fixe le taux du salaire.

Sans doute, en s’en tenant à la superficie des choses, celui qui s’est créé des approvisionnements, et qui à raison de sa prévoyance peut attendre, a l’avantage du marché. À ne considérer qu’une transaction isolée, celui qui dit : Do ut facias, n’est pas aussi pressé d’arriver à une conclusion que celui qui répond : Facio ut des. Car quand on peut dire, do, on possède et, quand on possède, on peut attendre.

Il ne faut pourtant pas perdre de vue que la valeur a le même principe dans le service que dans le produit. Si l’une des parties dit do, au lieu de facio, c’est qu’elle a eu la prévoyance d’exécuter le facio par anticipation. Au fond, c’est le service de part et d’autre qui mesure la valeur. Or, si pour le travail actuel tout retard est une souffrance, pour le travail antérieur il est une perte. Il ne faut donc pas croire que celui qui dit do, le capitaliste, s’amusera ensuite, surtout si