Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/531

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selon lui, c’est en général l’obstacle répressif qui agit ; en d’autres termes, le vice, la misère, la guerre, le crime, etc.

Il y a là, selon moi, une erreur, et nous allons reconnaître que l’action de la force limitative se présente aux hommes non pas uniquement comme un effort de chasteté, un acte d’abnégation, mais encore et surtout comme une condition de bien-être, un mouvement instinctif qui les préserve de déchoir, eux et leur famille.

La population, a-t-on dit, tend à se mettre au niveau des moyens de subsistance. Je remarquerai qu’à cette expression, moyens de subsistance, autrefois universellement admise, J.-B. Say en a substitué une autre beaucoup plus correcte : moyens d’existence. Il semble d’abord que la subsistance soit seule engagée dans la question. Cela n’est pas ; l’homme ne vit pas seulement de pain, et l’étude des faits montre clairement que la population s’arrête ou est retardée lorsque l’ensemble de tous les moyens d’existence, y compris le vêtement, le logement et les autres choses que le climat ou même l’habitude rendent nécessaires, viennent à faire défaut.

Nous disons donc : La population tend à se mettre au niveau des moyens d’existence.

Mais ces moyens sont-ils une chose fixe, absolue, uniforme ? Non, certainement : à mesure que l’homme se civilise, le cercle de ses besoins s’étend, on peut le dire même de la simple subsistance. Considérés au point de vue de l’être perfectible, les moyens d’existence, en quoi il faut comprendre la satisfaction des besoins physiques, intellectuels et moraux, admettent autant de degrés qu’il y en a dans la civilisation elle-même, c’est-à-dire dans l’infini. Sans doute, il y a une limite inférieure : apaiser sa faim, se garantir d’un certain degré de froid, c’est une condition de la vie, et cette limite, nous pouvons l’apercevoir dans l’état des sauvages d’Amérique et des pauvres d’Europe ; mais une limite