Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/532

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supérieure, je n’en connais pas, il n’y en a pas. Les besoins naturels satisfaits, il en naît d’autres, qui sont factices d’abord, si l’on veut, mais que l’habitude rend naturels à leur tour, et, après ceux-ci, d’autres encore, et encore, sans terme assignable.

Donc, à chaque pas de l’homme dans la voie de la civilisation, ses besoins embrassent un cercle plus étendu, et les moyens d’existence, ce point où se rencontrent les deux grandes lois de multiplication et de limitation, se déplace pour s’exhausser. — Car, quoique l’homme soit susceptible de détérioration aussi bien que de perfectionnement, il répugne à l’une et aspire à l’autre : ses efforts tendent à le maintenir au rang qu’il a conquis, à l’élever encore ; et l’habitude, qu’on a si bien nommée une seconde nature, faisant les fonctions des valvules de notre système artériel, met obstacle à tout pas rétrograde. Il est donc tout simple que l’action intelligente et morale qu’il exerce sur sa propre multiplication se ressente, s’imprègne, s’inspire de ces efforts et se combine avec ces habitudes progressives.

Les conséquences qui résultent de cette organisation de l’homme se présentent en foule : nous nous bornerons à en indiquer quelques-unes. — D’abord nous admettrons bien avec les économistes que la population et les moyens d’existence se font équilibre ; mais le dernier de ces termes étant d’une mobilité infinie, et variant avec la civilisation et les habitudes, nous ne pourrions pas admettre qu’en comparant les peuples et les classes, la population soit proportionnelle à la production, comme dit J.-B. Say[1], ou aux revenus, comme l’affirme M. de Sismondi. — Ensuite, chaque degré supérieur de culture impliquant plus de prévoyance, l’obstacle moral et préventif doit neutraliser de plus en plus

  1. Il est juste de dire que J.-B. Say a fait remarquer que les moyens d’existence étaient une quantité variable.