Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/622

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pression légale à la répression naturelle, compense-t-il le mal inhérent à l’appareil répressif ?

Ou, en d’autres termes, le mal de la répression artificielle est-il supérieur ou inférieur au mal de l’impunité ?

Dans le cas du vol, du meurtre, de la plupart des délits et des crimes, la question n’est pas douteuse. Aussi, tous les peuples de la terre les répriment par la force publique.

Mais lorsqu’il s’agit d’une habitude difficile à constater, qui peut naître de causes morales dont l’appréciation est fort délicate, la question change ; et il peut très-bien arriver qu’encore que cette habitude soit universellement tenue pour funeste et vicieuse, la loi reste neutre et s’en remette à la responsabilité naturelle.

Disons d’abord que la loi doit prendre ce parti toutes les fois qu’il s’agit d’une action ou d’une habitude douteuse, quand une partie de la population trouve bon ce que l’autre trouve mauvais. Vous prétendez que j’ai tort de pratiquer le culte catholique ; moi je prétends que vous avez tort de pratiquer le culte luthérien. Laissons à Dieu le soin de juger. Pourquoi vous frapperais-je ou pourquoi me frapperiez-vous ? S’il n’est pas bon que l’un de nous frappe l’autre, comment peut-il être bon que nous déléguions à un tiers, dépositaire de la force publique, le soin de frapper l’un de nous pour la satisfaction de l’autre ?

Vous prétendez que je me trompe en enseignant à mon enfant les sciences naturelles et morales, je crois que vous avez tort d’enseigner exclusivement au vôtre le grec et le latin. Agissons de part et d’autre selon notre conscience. Laissons agir sur nos familles la loi de la Responsabilité. Elle punira celui de nous qui se trompe. N’invoquons pas la loi humaine ; elle pourrait bien punir celui qui ne se trompe pas.

Vous affirmez que je ferais mieux de prendre telle carrière, de travailler selon tel procédé, d’employer une char-