Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/307

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de l’argent ? Mais d’abord, il faut le reconnaître à l’honneur de notre pays, la corruption sous cette forme est impraticable au moins sur une échelle un peu vaste ; d’ailleurs, ma liste civile n’y suffirait pas ; il est bien plus habile et plus divertissant de faire payer la corruption par ceux-là mêmes qui en souffrent, et de prendre dans la poche du public de quoi solder l’apostasie de ses défenseurs. Il suffira donc qu’une constitution porte ces deux dispositions :

Le roi nomme à toutes les places ;

Les députés peuvent arriver à toutes les places.

Il faudrait que je fusse bien malhabile ou la nature humaine bien perfectionnée si, avec ces deux bouts de charte, je n’étais pas maître du parlement.

Remarquez, en effet, combien le pas est glissant pour le député. Il ne s’agit pas ici d’une corruption abjecte, de votes formellement achetés et vendus. — Vous êtes habile, M. le député, vos discours déploient de grandes connaissances en diplomatie ; la France sera trop heureuse que vous la représentiez à Rome ou à Vienne. — Sire, je n’ai pas d’ambition ; j’aime par-dessus tout la retraite, le repos, l’indépendance. — Monsieur, on se doit à son pays. — Sire, vous m’imposez le plus rude des sacrifices. — Tout le public vous en sera reconnaissant.

Un autre est simple juge de paix de son endroit et s’en contente.

— Vraiment, monsieur, votre position n’est guère en harmonie avec le mandat législatif. Le procureur du roi qui vous fait la cour aujourd’hui peut vous gronder demain. — Sire, je tiens à ma modeste place ; elle faisait toute l’ambition du grand Napoléon. — Il faut pourtant la quitter : vous devez être conseiller de cour royale. — Sire, mes intérêts en souffriront ; puis les déplacements, les dépenses… — Il faut savoir faire des sacrifices, etc.

On a beau vouloir faire du sentimentalisme ; il faut n’a-