Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/308

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voir aucune connaissance du cœur humain, ne s’être jamais étudié sincèrement, n’avoir jamais suivi le conseil de l’oracle : Nosce te ipsum, et ignorer la subtilité des passions pour s’imaginer que les députés, qui sont appelés à faire une certaine figure dans le monde, sur qui l’on a les yeux ouverts, dont on exige une libéralité exceptionnelle, repousseront constamment les moyens de se donner de l’aisance, de la fortune, de l’influence, d’élever et de placer leurs fils, et cela par une voie qu’on a soin de leur présenter comme honorable, méritoire. Est-il besoin de reproduire ici la secrète argumentation qui, dans le fond du cœur, déterminera leur chute ?

On dit : il faut bien avoir confiance en ceux qui gouvernent. — L’objection est puérile. Si la défiance n’est pas admissible à quoi bon le gouvernement représentatif ? Des publicistes d’un grand talent, et entre autres M. de Lamartine, ont repoussé la réforme parlementaire et la loi des incompatibilités, sous le prétexte que la France est la patrie de l’honneur, de la générosité, du désintéressement ; qu’on ne peut pas supposer qu’un député, en tant que tel, élargisse le pouvoir dont il est investi en tant que fonctionnaire, ou en grossisse les émoluments ; que ce là serait une nouvelle loi des suspects, etc.

Eh mon Dieu ! y a-t-il dans nos sept codes une seule loi qui ne soit une loi de méfiance ? Qu’est-ce que la Charte, si ce n’est tout un système de barrières et d’obstacles aux empiétements possibles du roi, de la pairie, des ministres ? La loi de l’inamovibilité a-t-elle été faite pour la commodité des juges ou en vue des conséquences funestes que pourrait avoir leur position dépendante ?

Je ne puis souffrir, je l’avoue, qu’au lieu d’examiner scrupuleusement une mesure, on la répousse avec de grands mots, des phrases sonores, qui sont du reste en contradiction flagrante avec toute la série des actes qui constituent notre vie privée. Je voudrais bien savoir ce que M. de Lamartine dirait