Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/42

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6. — PROJET DE LIGUE ANTI-PROTECTIONISTE[1].


On assure que Bordeaux est en travail d’une association pour la liberté commerciale. Sera-t-il permis à l’auteur de cet article, quelque besoin qu’il ait d’avis en toute autre matière, d’exprimer le sien en celle-ci ? Il a étudié les travaux, l’esprit et les procédés de la Ligue anglaise ; il en connait les chefs ; il sait quels obstacles ils ont eu à vaincre, quels piéges à déjouer, quels écueils à éviter, quelles objections à résoudre ; à quelles qualités de l’esprit et du cœur ils doivent leurs glorieux succès ; il a vu, entendu, observé, approfondi. Il ne fallait pas moins pour qu’il eût la présomption d’élever la voix dans une ville où il y a tant de citoyens capables de mener à bien une grande entreprise, pour qu’il osât tracer une sorte de programme de la ligue française anti-protectioniste.

Si je m’adresse à Bordeaux, ce n’est pas que je désire voir cette ville s’emparer du rôle principal, et encore moins d’un rôle exclusif, dans le grand mouvement qui se prépare. Non ; l’abnégation individuelle est une des conditions du succès, et l’on doit en dire autant de l’abnégation locale ou départementale. Arrière toute pensée de prééminence et de fausse gloire ! Que chaque ville de France forme son comité ; que tous les comités se fondent dans la grande association dont le centre naturel est Paris ; et Bordeaux, renonçant à la gloire de Manchester, saura bien remettre les rênes là où elles peuvent être placées avec le plus d’avantage. Voulons-nous réussir ? ne voyons que le but de la lutte, sans nous laisser séduire par ce que la lutte elle-même peut donner de satisfactions à l’esprit d’égoïsme et de localité.

  1. Mémorial bordelais du 8 février 1846. (Note de l’édit.)