Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cultés de l’art du tourneur, elle lui conseilla de profiter d’un gros tas de pierre qui se trouvait au milieu du jardin pour en faire faire une grotte, sur laquelle il mettrait un petit temple en façon de belvéder, où ses colonnes torses seraient employées et brilleraient aux yeux de toute la société.

Au milieu de la joie que cette entreprise causait à ce pauvre homme inoccupé, Philomène lui dit en l’embrassant : — Surtout ne dis pas à ma mère de qui te vient cette idée, elle me gronderait.

— Sois tranquille, répondit monsieur de Watteville qui gémissait tout autant que sa fille sous l’oppression de la terrible fille des de Rupt.

Ainsi Philomène avait la certitude de voir promptement bâtir un charmant observatoire d’où la vue plongerait sur le cabinet de l’avocat. Et il y a des hommes pour lesquels les jeunes filles font de pareils chefs-d’œuvre de diplomatie, qui, la plupart du temps, comme Albert Savaron, n’en savent rien.

Ce dimanche, si peu patiemment attendu, vint, et la toilette de Philomène fut faite avec un soin qui fit sourire Mariette, la femme de chambre de madame et de mademoiselle de Watteville.

— Voici la première fois que je vois mademoiselle si vétilleuse ? dit Mariette.

— Vous me faites penser, dit Philomène en lançant à Mariette un regard qui mit des coquelicots sur les joues de la femme de chambre, qu’il y a des jours où vous l’êtes aussi plus particulièrement qu’à d’autres.

En quittant le perron, en traversant la cour, en franchissant la porte, en allant dans la rue, le cœur de Philomène battit comme lorsque nous pressentons un grand événement. Elle ne savait pas jusqu’alors ce que c’était que d’aller par les rues : elle avait cru que sa mère lirait ses projets sur son front et qu’elle lui défendrait d’aller à confesse, elle se sentit un sang nouveau dans les pieds, elle les leva comme si elle marchait sur du feu ! Naturellement, elle avait pris rendez-vous avec son confesseur à huit heures un quart, en disant huit heures à sa mère, afin d’attendre un quart-d’heure environ auprès d’Albert. Elle arriva dans l’église avant la messe, et, après avoir fait une courte prière, elle alla voir si l’abbé Giroud était à son confessionnal, uniquement pour pouvoir flâner dans l’église. Aussi se trouva-t-elle placée de manière à regarder Albert au moment où il entra dans la cathédrale.