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Louis et moi, vont chercher sous les joies d’une noce, selon le mot de Rabelais, un grand peut-être !

Je ne te blâme pas, quoique ce soit un peu léger, de causer avec Don Felipe au fond du jardin, de l’interroger, de passer une nuit à ton balcon, lui sur le mur ; mais tu joues avec la vie, enfant, et j’ai peur que la vie ne joue avec toi. Je n’ose pas te conseiller ce que l’expérience me suggère pour ton bonheur ; mais laisse-moi te répéter encore, du fond de ma vallée, que le viatique du mariage est dans ces mots : résignation et dévouement ! Car, je le vois, malgré tes épreuves, malgré tes coquetteries et tes observations, tu te marieras absolument comme moi. En étendant le désir, on creuse un peu plus profondément le précipice, voilà tout.

Oh ! comme je voudrais voir le baron de Macumer et lui parler pendant quelques heures, tant je te souhaite de bonheur !




XXVI

LOUISE DE MACUMER À RENÉE DE L’ESTORADE.


Mars 1825.

Comme Felipe réalise avec une générosité de Sarrasin les plans de mon père et de ma mère, en me reconnaissant ma fortune sans la recevoir, la duchesse est devenue encore meilleure femme avec moi qu’auparavant. Elle m’appelle petite rusée, petite commère, elle me trouve le bec affilé. — Mais, chère maman, lui ai-je dit la veille de la signature du contrat, vous attribuez à la politique, à la ruse, à l’habileté, les effets de l’amour le plus vrai, le plus naïf, le plus désintéressé, le plus entier qui fut jamais ! Sachez donc que je ne suis pas la commère pour laquelle vous me faites l’honneur de me prendre. — Allons donc, Armande, me dit-elle en me prenant par le cou, m’attirant à elle et me baisant au front, tu n’as pas voulu retourner au couvent, tu n’as pas voulu rester fille, et en grande, en belle Chaulieu que tu es, tu as senti la nécessité de relever la maison de ton père. (Si tu savais, Renée, ce qu’il y a de flatterie