Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/413

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d’heure, un profond silence régna dans le cabinet de César. Sa fermeté surprenait sa famille. Célestin et l’abbé revinrent, César signa sa démission. Quand l’oncle Pillerault lui présenta le bilan, le pauvre homme ne put réprimer un horrible mouvement nerveux.

— Mon Dieu, ayez pitié de moi, dit-il en signant la terrible pièce et la tendant à Célestin.

— Monsieur, dit alors Anselme Popinot, sur le front nuageux duquel il passa un lumineux éclair, Madame, faites-moi l’honneur de m’accorder la main de mademoiselle Césarine.

À cette phrase, tous les assistants eurent des larmes aux yeux, excepté César qui se leva, prit la main d’Anselme, et, d’une voix creuse, lui dit : — Mon enfant, tu n’épouseras jamais la fille d’un failli.

Anselme regarda fixement Birotteau, et lui dit : — Monsieur, vous engagez-vous, en présence de toute votre famille, à consentir à notre mariage, si mademoiselle m’agrée pour mari, le jour où vous serez relevé de votre faillite ?

Il y eut un moment de silence pendant lequel chacun fut ému par les sensations qui se peignirent sur le visage affaissé du parfumeur.

— Oui, dit-il enfin.

Anselme fit un indicible geste pour prendre la main de Césarine, qui la lui tendit, et il la baisa.

— Vous consentez aussi, demanda-t-il à Césarine.

— Oui, dit-elle.

— Je suis donc enfin de la famille, j’ai le droit de m’occuper de ses affaires, dit-il avec une expression bizarre.

Anselme sortit précipitamment pour ne pas montrer une joie qui contrastait trop avec la douleur de son patron. Anselme n’était pas précisément heureux de la faillite, mais l’amour est si absolu, si égoïste ! Césarine elle-même sentait en son cœur une émotion qui contrariait son amère tristesse.

— Puisque nous y sommes, dit Pillerault à l’oreille de Césarine, frappons tous les coups.

Madame Birotteau laissa échapper un signe de douleur et non d’assentiment.

— Mon neveu, dit Pillerault en s’adressant à César, que comptes-tu faire ?

— Continuer le commerce.