Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de Saint Ennodius, évêque de Pavie, tome 1, 1906.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Bon Dieu! Quelle n’est pas la souplesse d’une riche langue! à son gré, c’est un fauve qui rugit, un fleuve qui précipite sa course, une mer en courroux qui soulève ses flots. Elle sait, en un mot, représenter au vrai tout ce qu’elle veut peindre. Pourquoi insinuer que ta jeunesse te fait redouter d’écrire alors que le style de ton discours appelle la pompe des déclamations publiques et que cet acte de modestie exagérée et tout à fait hors de propos va te couvrir de gloire?

Je te remercie mille fois d’avoir consacré les nobles essais de ton éloquence à faire l’éloge d’un ami. Bien que je ne me reconnaisse pas les mérites que ton discours m’attribue, je n’en suis pas moins touché des sympathies de l’orateur; je le loue d’avoir fait parler son cœur avec tant de grâce et de vive clarté. Ce flambeau que les charmes de ta parole ont allumé pour éclairer ma renommée, c’est toi-même qui en reçois la lumière : quant à moi, si j’ai conscience de l’obscurité de mon génie, je ne m’en plains point. Celui qui confie le soin de sa renommée à la bienveillance d’autrui, s’expose à de cruelles déceptions ; et pourtant n’est-ce pas le comble de l’infamie que de tromper ainsi la confiance?

Je dois le dire, ma joie déborde dans l’admiration où je suis de ton style épistolaire : tu sais admirablement donner aux termes ordinaires des sens nouveaux et déjà le lustre de tes ancêtres se trouve éclipsé par l’éclat et la distinction de ton