Page:Œuvres complètes de Saint Ennodius, évêque de Pavie, tome 1, 1906.djvu/99

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escarpées que les laboureurs, au péril de leur vie, doivent y semer de la terre sur les rochers avant d’y jeter les semences. Là c’est un genre de calamité que d’avoir orné de belles futaies le voisinage des rives du lac Larius;[1] vision dont les charmes trompeurs feraient croire à une fécondité qui n’existe pas; beauté mensongère qui tourne à la ruine du propriétaire, car les maures doivent payer de ruineux impôts pour avoir le droit d’y toucher et d’y prendre le bois nécessaire aux réparations qu’exige l’entretien des bâtiments de leur patrimoine. Les indigènes y restent juste en nombre suffisant pour payer l’impôt taxé par le répartiteur. Les poissons qui peuplent ses eaux sont bien plus propres à inspirer de l’horreur qu’à flatter le goût, bons tout au plus à faire apprécier la saveur de ceux que l’on prend ailleurs : un air toujours pluvieux, un ciel toujours menaçant; on y passe sa vie sans pour ainsi dire y jouir jamais du plein jour : ondes du Larius, charmantes à l’œil du voyageur: elles invitent à s’y baigner les imprudents pour les perdre. Qui jamais trouvera beau un gouffre ainsi trompeur? Que dire de cette île que votre récit fait habitable? Qui n’en demeurera stupéfait? Alors qu’il suffit d’y séjourner pour s’y dégoûter de la vie, que c’est encore un danger que d’y aborder sain et sauf et que le long de ses bords les poissons se repaissent de cadavres humains? Car en ces lieux horribles les morts

  1. Aujourd’hui lac de Côme.