Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/120

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« Évade-toi ! Secoue, en franchissant le seuil,
Tous tes désirs ainsi qu’une infâme poussière,
Et chasse de ton cœur, jadis riche d’orgueil,
L’inavouable amour de la Reine sorcière. »

Ils disent ; dans le soir, de sauvages senteurs
Montent des bois et des campagnes endormies,
Et vers les hauts remparts les rois libérateurs
Tendent leurs étendards et leurs armes amies.

Mais voici que, penché sur les balcons en fleurs,
D’un geste de ses mains indulgentes et lasses,
Le doux captif épris de divines douleurs
Écarte ces guerriers des paisibles terrasses :

« Hommes, pourquoi ce bruit d’armes et de buccins ?
Ma féerique prison est à jamais fermée ;
Je ne veux plus vers les chemins libres et sains
Ouvrir le lourd vantail de la porte charmée.

« Car un sombre bonheur me retient en exil ;
Frères, l’amour surgi dans mon âme dormante,
Ce n’est pas le désir joyeux et puéril
D’ensoleiller mes doigts à des cheveux d’amante.

« Je ne suis point pareil au faune maraudeur
Qui ravit en chantant les dryades frivoles,
Et ce que j’aime, hélas ! ce n’est pas la splendeur
Des bras blancs, ni le rire ardent des lèvres folles.