Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/119

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« C’est toi qui nous menais délivrer des cités ;
Et debout sur ton char constellé d’améthystes,
Tu nous montrais les grands pays épouvantés
Par les sphinx accroupis sur les collines tristes.

« Et pourtant te voici prisonnier ! Et tes mains,
Tes folles mains, laissant tomber l’épée ancienne,
Effeuillent des glaïeuls frêles et des jasmins
Dans les cheveux épars de la magicienne.

« Ô frère, nous venions rompre l’enchantement,
Te sauver des jardins et des honteuses roses,
Mais nous sommes vaincus mystérieusement ;
Toi seul, tu peux ouvrir les belles portes closes.

« Prince, prince captif dans les vergers impurs,
Prince qui dors auprès des fontaines fleuries,
N’entends-tu pas devant tes tours, devant tes murs,
La royale rumeur de nos cavaleries ?

« Souviens-toi des chemins rudes que nous foulions
Joyeusement au bruit des conques éclatantes,
Et de nos camps sacrés veillés par des lions,
Et des sommeils virils sous les loyales tentes.

« Viens ! le vent de la plaine et l’embrun de la mer
Ont de meilleurs parfums que les fleurs des parterres.
Viens ! tu respireras encor le charme amer
Des farouches forêts et des grèves austères.