Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/137

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Le Prince.
Reine dont les pieds blancs foulent l’orgueil des nues,

Pitié pour eux, pitié pour mes sœurs inconnues,
Pour mes frères suivant humblement leur chemin
Sous ce pâle soleil d’hiver, l’amour humain.

La Reine des fées.
Eh ! que t’importe, à toi, Seigneur des vastes rêves,

Si là-bas, par delà les vagues et les grèves,
En un soir de baisers tristes, quelques amants
S’éveillent et sont pris de longs frissonnements
En écoutant sonner parmi les mers austères
Le grave appel de mes clochers vers les mystères ?

Le Prince.
Ô Reine de la mer, pitié, pitié pour eux !

Ne trouble pas le clair sommeil des amoureux,
La paix des doux, la paix des gloires enfantines,
Et qu’ils ne sonnent pas les mauvaises matines,
Tes durs clochers parlant trop haut des cieux lointains.
Ô pays parfumés de menthes et de thyms,
Ô vergers puérils, langoureuses venelles,
Voici que le regret des vierges éternelles
Va faire mépriser des hommes le printemps.
Ils ne vont plus savoir les rires éclatants
Et les baisers heureux sur les gorges éprises.
Ne livre pas tes cheveux saints aux viles brises…
Les enfants vont mourir du péché de te voir.