Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chassés, elle marche vers les murs métalliques. Dans leur transparence elle voit, comme en un lumineux brouillard d’aurore, venir une forme vague, une forme voluptueuse de femme aux cheveux épars. Tressaillante d’amour surnaturel, murmurant des paroles de bienvenue, elle court en ouvrant les bras vers la royale vision. Mais elle a reconnu sa propre splendeur et ses narines sentent dans la salle l’unique parfum de sa chair. Alors, triste et lasse, dans sa robe de pourpre dégrafée, elle revient s’asseoir et pleurer entre les chimères ironiques : « Moi, dit-elle, encore moi ! » Autour d’elle, la salle élève ses implacables murailles polies : ni fleurs amies, ni armes anciennes ; partout réfléchie par les cuivres, la captive seule orne sa prison.

Voilà bien des heures qu’elle s’ennuie et qu’elle souffre, la froide princesse gardée par son image. Maintenant, elle se hait ; maintenant, elle voudrait couvrir de voiles les grands miroirs qui la font sa geôlière éternelle. Cependant une fenêtre est ouverte : si elle pouvait par cette fenêtre voir les vendangeurs errants dans les vignes, ou les moissonneuses plongeant leurs bras dans la toison des blés, ou