Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/223

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la volupté. Et nous, nous reposions côte à côte, et jamais nos lèvres ne s’unirent dans le baiser. Quelquefois cependant…, je me souviens…, quelquefois, ta main, n’est-ce pas ? a tremblé dans la mienne. Mais tu purifiais d’un signe de croix la main qui avait tremblé et nous nous endormions côte à côte sous la garde du Seigneur. J’ai souffert, Armentaria, j’ai souffert une longue passion par ta douce volonté, et nul n’a su notre divin secret. Et voici maintenant qu’ils t’enseveliront comme une épouse, toi qu’ils devraient saluer parmi des vierges bienheureuses… »

Lentement, dans la chambre funèbre, Florentius marcha. L’odeur des fleurs était lourde ; les cierges aussi chargeaient l’air de parfums. Florentius ouvrit la fenêtre vers les champs. Alors il songea aux hommes qui étaient là-bas dans les maisons muettes. Peut-être à cette heure même des époux s’étreignaient, des amants dormaient ensemble voluptueusement. Il vit, épars en une brume de songe, des couples heureux, et dans son cœur un mystérieux orgueil fermenta. Seul sans doute entre tous ces hommes il avait pu renoncer aux joies permises. Il se réjouissait, il sentait monter en lui l’ivresse