Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/257

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choses. Il va trouver Solane dans l’arrière-boutique, et longuement, tels que des gens qui ont vu poindre d’inespérées lumières de salut, ils se serrent les mains. Solane frissonne un peu ; une obscure peur d’avoir rêvé le trouble. Il voudrait parler, parler très haut pour se prouver la réalité de son bonheur. Mais il ne trouve rien à dire.

Le Gâvre pourtant s’apaise ; il appelle l’employé, et quand il voit l’homme devant lui, attentif, respectueux, il hésite, intimidé de joie. Un grand héritage inattendu lui est arrivé. Un oncle qui le haïssait et que d’ailleurs on croyait ruiné lui lègue une vraie fortune. Plus d’échéances désormais, plus d’affaires, plus de tourments. Solane et lui vont se retirer à la campagne ; la maison sera vendue, et ils la vendront tout de suite à n’importe quel prix ; ils voudraient déjà être là-bas, dans le calme pays où l’oncle est mort. Peu à peu Le Gâvre s’enflamme, parle passionnément avec une triomphale volubilité. Il dit ses lassitudes, ses impérieux rêves de repos. Il lui semble maintenant que cet héritage, jugé tout à l’heure miraculeux, lui était dû, lui était garanti depuis l’aurore des temps par une loi divine.