Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il rencontrait au café quelques intimes de ses amis, il affectait de plaisanter sur leur métier commun et il en parlait avec une désinvolture affectée, il faisait de l’esprit à l’occasion d’une maladie de cœur ou s’égayait aux dépens de la pneumonie. Mais, rentré chez lui, il se sentait oppressé, croyait sentir d’insolites malaises. À la fin, il n’y tint plus. Il avoua tout à son ami et, quittant l’école de médecine, il ne s’occupa plus désormais que de chimie. Cette étude le rasséréna. Il oublia les maladies, rêva des découvertes. C’était le moment où Le Gâvre ouvrait son magasin de bronzes. Solane s’occupa de dorures, de galvanoplastie, inventa des procédés. Alors il entra définitivement dans la maison et l’enseigne proclama l’union des deux amis. Et tous deux, sans repos, sans distraction, ils avaient travaillé, ils avaient vieilli en la sombre vie des petits commerçants, toujours inquiets, toujours haletants, toujours hantés de créanciers. Leur amitié, en ces perpétuelles angoisses, s’accroissait. Le soir, lorsque les volets étaient clos, dans la boutique vaguement éclairée, ils veillaient ensemble une heure ou deux. Ils ne parlaient que de leur négoce ; ils remuaient