Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/264

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couvent, renoncent à cette inutile gloire. Ces âmes, oublieuses peut-être elles-mêmes de leurs noms mortels, passent lointaines et voilées ; et les saints du cloître, ayant vécu hors du temps et de l’histoire, consentent seulement à léguer d’anonymes exemples.

Mais ce que la règle impose avant toute chose, c’est un perpétuel silence. Même aux heures de repos, soit qu’ils marchent côte à côte dans quelque glacial corridor, soit qu’ils se répandent parmi les fleurs sauvages du jardin, les frères ne se parlent jamais. Quelquefois ils s’assoient ensemble sur le rempart. Alors ils croisent leurs mains sur leur poitrine, car nul ne doit faire un geste vers ses frères ; et ils demeurent là, méditant ou écoutant le bruit des bois. Leurs yeux ont désappris les regards qui interrogent et qui répondent, et chacun, dans cette assemblée muette, semble à jamais solitaire, perdu dans des déserts de rêve[1]

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  1. Le muet tentateur (suggestion de mauvaises pensées dans un cloître de moines silencieux). — Plan trouvé dans les notes de l’auteur.