Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/263

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leurs bras, dominant les tours et les créneaux, et pareils à des machines de guerre qui protègent la maison.

La route qui passe au pied de la colline est toujours déserte. Le pays, au loin, est âpre. Les forêts voisines font sous le vent un bruit monotone et continu qui semble le bruit du temps.

Les moines noirs (les paysans les appellent ainsi) vivent sous une règle sévère. Ils se lèvent trois fois avant l’aurore pour des prières. Le jour, ils bêchent un enclos de mauvaise terre, labourent des champs rocailleux et froids, s’attelant eux-mêmes à la charrue. Pendant le repos, qu’ils prennent debout, les reins ceints d’une corde comme des voyageurs, le prieur lit à haute voix les Fastes de l’Ordre, afin d’exhorter les frères à l’imitation des vertus traditionnelles. Seulement, aucun nom d’homme (la règle le veut ainsi) n’est inscrit dans ces Fastes. Les actions pieuses, les bienfaits, les miracles même y sont attribués toujours « à un certain religieux de l’Ordre ». Car c’est une vanité pour celui qui fut un saint de perpétuer son nom dans des annales. Et d’ailleurs qu’importe cette terrestre survie à qui mérita l’éternité ? C’est pourquoi les frères, en entrant au