Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/282

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cette révélation, tressaillit. Une fièvre le prit. Il tira la robe de sa mère, qui maintenant était retombée en de silencieuses rêveries. « Rentrons, supplia-t-il ; j’ai froid, j’ai peur, rentrons ! » Toute la nuit, dans son grand lit à colonnes, il trembla. Sa mère le veillait, l’interrogeait, épiait son effroi. Mais il ne voulut pas dire à quoi il pensait ainsi fiévreusement, il nia que les récits de sa mère fussent la cause de son mal ; il soutint qu’il s’était glacé en une trop longue promenade dans le parc ; il affecta d’avoir plus froid pour qu’on n’attribuât pas son tressaillement à la peur. Et quand il s’endormit, vers l’aurore, sa mère n’accusait plus que les glaciales bises du soir.

Des jours passèrent. Mme de Hennemer oublia cette mauvaise vesprée ; l’enfant ne reparla plus des morts. Seulement, quand il allait dans la campagne, il considérait longuement les paysans épars dans les labours et les moissons. Dans la forge de Louviac, il examinait les ouvriers, cherchant à surprendre sur leur bouche ou dans leurs yeux l’expression de férocités soudaines. Quelquefois, lorsqu’un des ouvriers, haletant et acharné, lançait plus impérieusement son marteau sur l’enclume,