Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/281

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ouvriers ? Comme Pierre le menuisier, comme Langeois le tapissier, comme le forgeron Louviac, chez qui Joël allait s’amuser quelquefois. Oui, des ouvriers pareils à ceux-là, et, de plus, pauvres, haillonneux, pareils à ceux que Joël accueillait à la grille du château. À chaque réponse, l’enfant s’étonnait douloureusement. Mais toutes ces choses lui semblaient encore lointaines, vagues, irrémissiblement abolies. « N’est-ce pas, mère, que cela n’arrivera plus jamais, plus jamais ? » Et il faisait un geste de la main comme pour repousser tous ces fantômes ; et tendant vers l’ombre ses mains puériles, il semblait, en une incantation, écarter à jamais les guerres. Mme de Hennemer hésitait à répondre ; elle voulait rassurer l’enfant, mais la conscience de la fatalité la faisait muette. Toujours inquiète, toujours épouvantée, elle ne croyait pas, elle, que ce fût fini. Elle percevait, au loin, dans l’avenir, comme de l’autre côté d’un mur, un grand bruit d’armes et de chevaux. Elle ne se décidait pas à rassurer Joël, et comme il répétait son anxieuse demande, elle pleura.

Définitivement alors Joël perçut la réalité des périls. Tout son pauvre corps nerveux, à