Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/72

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Leur carène gardant des princesses captives ;
Dans des plaines de fleurs vaguent de doux bergers
Et, sous le ciel troublé d’étoiles fugitives,
Des amants puérils veillent dans les vergers.

Le Roi, fuyant les beaux jardins des amoureuses
Et les riches pays où triomphe l’été,
Regarde au loin vers des planètes douloureuses
Qui pleurent dans la nuit leurs larmes de clarté.

« Autrefois, autrefois, à genoux dans ces herbes,
Ô mon Dieu ! j’ai levé les yeux vers les cieux froids ;
J’ai commis le péché des prières superbes,
Et depuis lors je suis le Sage entre les rois.

« De funèbres moissons s’entassent dans mes granges
Et j’ai cueilli les fruits amers des bois maudits,
Et j’ai livré bataille aux terribles archanges
Devant la porte d’or des profonds paradis.

« Et maintenant que du pays des aromates
Je l’entends accourir par delà l’horizon,
Celle qui lavera mes célestes stigmates,
J’ai honte du bonheur qui vient sur ma maison.

« La Reine du Midi marche dans la lumière
Et m’apporte la joie en d’impurs talismans ;
Je vais dormir dans la sérénité première
Parmi l’humble troupeau des rois et des amants.