Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/97

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Voluptueusement me parle et me sourie.
Déliez ce serment cruel qui me défend
D’apparaître. Je veux que là-bas un enfant
Voie au fond de la nuit éternelle du monde
Ma gorge resplendir comme une clarté blonde :
Je veux livrer au vent terrestre mes cheveux.

Obéron.
Vous voulez être femme, Oriane ! Ces vœux

Sont indignes de vous ! Comment ! vous êtes fée,
Vous passez dans le soir, lumineuse et coiffée
De rayons ; vous cueillez toutes les fleurs du ciel,
Vous saccagez, comme un enfant voleur de miel,
Le nuage rempli de clarté savoureuse !
Et puis, vous voulez être, hélas ! quelque amoureuse,
Quelque fille rôdant le soir furtivement
Dans l’ombre des chemins, au bras de son amant,
Et vous vous éprendrez, ô ma blanche Oriane,
Comme Titania, d’un rustre à tête d’âne !

Oriane, très grave.
Aucun philtre, ô mon roi ! n’a troublé ma raison.

Moi, déchoir ! Non : Je suis de trop noble maison,
Étant née, un printemps, d’une perle enchantée.
Mais vous ne m’avez pas, sire, assez écoutée,
Car je veux apparaître, un seul jour, un moment,
Pour qu’un enfant plaintif m’appelle éperdument
Et pleure de me voir…