Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/278

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nents ont laissés échapper, ont allumé des séditions. César se fit un tort irréparable par cette plaisanterie « Sylla n’était qu’un ignorant, il n’a pas su dicter, » mot qui ôta pour toujours aux Romains l’espoir qu’ils avaient de le voir tôt ou tard abdiquer la dictature. Galba se perdit par ce mot « Mon usage est de choisir des soldats, et non de les acheter, » ce qui ôta aux soldats tout espoir d’obtenir de lui le donatif ( la gratification que les empereurs romains, à leur avènement, donnaient à l’armée), il en fut de même de Probus, qui eut l’imprudence de dire « Si je vis encore quelques années, l’empire romain n’aura plus besoin de soldats, » paroles désespérantes pour son armée. On peut en dire autant de beaucoup d’autres. Ainsi les princes, dans les circonstances difficiles et en parlant sur des affaires délicates, doivent bien prendre garde à ce qu’ils disent, surtout de lâcher de ces mots extrêmement précis, qui sont comme autant de traits aigus et qui semblent dévoiler leurs secrets sentiments. Quant aux discours plus étendus, comme ils sont moins remarqués, ils ont moins d’effet et sont moins dangereux. Enfin, les princes doivent avoir toujours auprès d’eux, à tout événement, un ou plusieurs personnages distingues par leur courage ou leurs talents militaires et d’une fidélité éprouvée, pour étouffer les séditions dès le commencement. Sans cette ressource, une cour prend trop aisément l’épouvante lorsque les troubles viennent à éclater, et elle se trouve dans cette sorte de danger dont Tacite donne une si juste idée en disant « La disposition des esprits était telle que, peu d’entre eux osant commettre le dernier attentat, un plus grand nombre le souhaitaient et tous l’auraient souffert » Mais il faut que ces généraux dont nous parlons soient d’une fidélité plus assurée que ceux du parti populaire, autrement le remède serait pire que le mal.

XVI. — De Vathéisme

J’aimerais mieux croire toutes les fables de la Légende, du Thalmud et de l’Alcoran, que de croire que cette grande machine de l’univers, ou je vois un ordre si constant, marche toute seule et sans qu’une intelligence y préside. Aussi Dieu n'a-t-il jamais daigné opérer des miracles pour convaincre les athées, ses ouvrages mêmes étant une sensible et continuelle démonstration de son existence. Une philosophie superficielle fait incliner quelque peu vers l’athéisme, mais une philosophie plus profonde ramène à la connaissance d’un Dieu car, tant que l’homme dans ses contemplations n’envisage que les causes secondes qui lui semblent