Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/55

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attendu que ces faits et cette méthode ne sont rien moins que de simples espérances, mais eu quelque manière la chose même) : Néanmoins, afin de ne rien précipiter, fidèle au plan que nous nous sommes fait, nous continuerons à préparer les esprits ; préparation dont les motifs d’espérance que nous allons exposer ne sont point la moindre partie : car, ces motifs ôtés, tout ce que nous pourrions dire sur ce sujet servirait plutôt à affliger les hommes en pure perte, c’est-à-dire à les forcer de rabattre prodigieusement du prix excessif qu’ils attachent à ce qu’ils possèdent déjà, et à les en dégoûter, à leur faire apercevoir et sentir plus vivement le malheur trop réel de leur condition, qu’à ranimer leur courage et à aiguillonner leur industrie par rapport à l’expérience. Il est donc temps d’exposer les conjectures et les probabilités sur lesquelles nous fondons nos espérances. En quoi nous suivrons l’exemple de Christophe Colomb, qui, avant d’entreprendre sa navigation fameuse dans l’océan Atlantique, commença par proposer les raisons d’après lesquelles il se flattait de découvrir de nouvelles terres et un nouveau continent ; raisons qui, ayant été d’abord rejetées, mais ensuite confirmées par l’expérience, furent ainsi le principe et la source des plus grandes choses.

XCIII. C’est dans Dieu même que nous devons chercher notre premier motif d’espérance ; car l’objet auquel nous aspirons n’étant pas moins que le plus grand des biens, il est clair qu’il ne faut le chercher qu’en Dieu seul, vrai principe de tout bien et source de toute vraie lumière. Or, dans les opérations divines, les commencements, quelque faibles qu’ils puissent paraître, ont néanmoins toujours un effet certain, et ce qui a été dit des choses spirituelles, que « le règne de Dieu arrive sans qu’on s’en aperçoive, » a également lieu dans toute grande opération de la divine providence ; tout y marche sans bruit, s’y fait sans qu’on le sente, et l’œuvre est entièrement exécutée avant que les hommes se soient persuadés qu’elle se faisait ou qu’ils y aient fait attention. Il ne faut pas non plus oublier cette prophétie de Daniel, touchant les derniers temps de la durée du monde : « Grand nombre d’homme passeront, et la science se multipliera ; » prophétie dont le sens manifeste est qu’il est arrêté dans les destinées, c’est-à-dire dans les décrets de la divine providence, que cette découverte des régions inconnues, qui par tant de navigation de long cours est déjà totalement accomplie ou s’accomplit actuellement même ; que cette découverle, dis-je, et les grands, progrès dans les sciences auront lieu à la même époque. XCIV. Vient ensuite le puissant motif d’espérance qui se tire de